Les enjeux des débats autour des perturbateurs endocriniens

Des études menées par 60 millions de consommateurs et plus récemment par Que choisir ont cherché à faire la liste de produits contenant des pesticides et des perturbateurs endocriniens et certaines marques de serviettes hygiéniques (tout comme les tampons) ont été épinglées. Or ce sont des produits qui sont en contact direct avec notre peau (voire notre muqueuse vaginale) à des endroits sensibles avec une grande capacité d’absorption. Alors quoi penser de ces substances et de notre exposition quotidienne à elles ?

Le 4 juillet dernier, après de longs débats et batailles sur fond de conflits d’intérêt, la Commission Européenne s’était accordée sur une définition des Perturbateurs Endocriniens qui ne convenait pas aux yeux des organisations environnementales et des gouvernements (notamment le gouvernement français) engagés dans la réduction de l’exposition à ces substances. La question de la définition est essentielle, puisqu’elle détermine les produits qui pourront quand même être accessibles sur le marché, et également le positionnement européen face à cet enjeux environnemental et de santé publique. Or, ce qui est reproché à cette première définition faite par la commission est qu’elle est extrêmement restrictive, réduisant significativement la marge de manœuvre pour interdire des produits contenant des perturbateurs endocriniens. Elle a donc été perçue comme une victoire des lobbys de l’industrie agro-alimentaire (entre-autre) qui auraient dû radicalement revoir leurs modes de production.

Mais un retournement de situation inattendu a redonné de l’espoir aux organisations environnementales. Le parlement européen a rejeté début octobre cette définition, au motif qu’elle exigeait trop de preuves difficiles à fournir. La commission européenne doit donc aboutir à une nouvelle proposition à faire voter aux Etats puis au Parlement qui aille davantage dans le sens du principe de précaution.

La France s’était engagée lors de la conférence environnementale de septembre 2012 à former des groupes de réflexion pour répondre au mieux à ce nouvel enjeux de santé publique sur lequel il semble difficile d’avoir des données claires. Elle qui avait fini par se plier au vote de la Commission va pouvoir reprendre une position plus ferme.

Pourquoi parler de principe de précaution ? Que savons-nous sur les perturbateurs endocriniens et pourquoi est-il si compliqué de s’accorder sur cette question ?

Les perturbateurs endocriniens ont été identifiés en 2002 par l’OMS comme étant : "Une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)- populations".

En fait ce sont des substances qui viennent modifier le fonctionnement des hormones et ainsi déclencher des mécanismes corporels sans que l’hormone ne soit présente ou inversement empêcher la transmission du message d’une hormone. Elles sont aussi susceptibles de causer plusieurs maladies et perturbation du bon fonctionnement du corps humain, avec des effets variables selon les perturbateurs endocriniens en question (il y en a de plusieurs sortes). Les fonctions de reproduction par exemple sont des victimes probables de leur impact, on leur attribuerait aussi un rôle dans le développement de tumeurs liées aux tissus reproducteurs.

Si l’on prend des pincettes lorsqu’il s’agit de parler de leurs effets sur le corps humain, c’est parce que les études ont l’air de démontrer leur nocivité sans non plus parvenir à le faire sans équivoque. Pour l’instant les effets ont été constatés sur les souris, mais l’extrapolation à l’homme ne peut pas se faire sans recherche plus approfondies. Or les enjeux financiers sont tellement importants qu’une telle démonstration est pour le moins ardues à établir sans contre-expertise qui viendront réintroduire le doute.

Et des PE il y en a partout, autant dans les produits industriels que dans les végétaux qui pâtissent de la pollution. Si vous voulez choisir au mieux les produits que vous achetez vous pouvez vous référer à la liste de Que Choisir. 800 produits ont été notamment accusés d’avoir un impact sur le système hormonal humain. L’exposition que nous avons avec les PE est généralement soit liée à l’ingestion ou à l’inhalation. Ce qu’il faut néanmoins comprendre, c’est que certain de ces PE nous les absorbons volontairement, comme c’est le cas avec la pilule qui, par définition, a des effets sur notre système hormonal. Et le cas de la pilule est très parlant, parce qu’il ne serait pas question aujourd’hui d’interdire la pilule, ni toute autre forme de contraception hormonale, parce qu’il ne nous restera plus que le préservatif et le stérilet cuivre, ce qui laisse quand même pas beaucoup de choix, il faut l’admettre. Le fait est que les PE et leurs effets sont sans doute extrêmement variable et que les enjeux politiques et sanitaires autour de cette question étouffent notre capacité à nuancer et faire la part des choses, tout simplement déjà parce qu’on nous fournit assez peu de chiffres concordants qui viendraient étayer l’une ou l’autre des positions. Il est extrêmement probable qu’ils sont un danger potentiel, et il est d’autant plus important de pouvoir avoir une vision claire de leur champs d’action, des risques qu’il engendrent, et de la manière de s’en prémunir.

En attendant d’avoir une vision plus claire du problème, certains produits émergent comme des alternatives à ceux suspectés dangereux. Et notamment pour les règles, des substituts aux serviettes et tampons jetables existent qui ne présentent pas les mêmes risques en termes de PE ! Les serviettes lavables et réutilisables (BeautyWaps par exemple), tout comme la cup, sont un moyen de s’en prémunir. Pour le reste, il est bon de regarder les analyses de marché que certaines associations ont pu faire pour orienter au mieux ses choix de consommation.

Publication : 15/10/2017

Joséphine Desportes

Commentaires

Laissez votre commentaire